INDEMNISATION de préjudices et prescription pénale

Communication du cabinet d’avocat

Presse

Un tribunal civil a condamné un homme pour des faits d’agressions sexuelles datant d’il y a plus de trente ans, et prescrits par la justice pénale. Cette décision ouvre une voie à des centaines de victimes.

  • Esther Serrajordia, le 30/11/2022 (source )

Lorsque, en 2018, Jérémy Garamond décide de déposer plainte contre José Bruneau de La Salle, qu’il accuse d’agressions sexuelles répétées, les faits sont déjà prescrits sur le plan pénal. De la fin des années 1980 à 1990, à une dizaine de reprises, la figure du monde hippique s’est livrée à des attouchements sexuels sur le fils de ses amis, alors jeune adolescent.

Comme souvent, la victime a occulté ce qu’elle a subi pendant plusieurs années et, lorsqu’elle s’est décidée à saisir la justice, elle s’est heurtée à la prescription pénale. Mais, pour la contourner, les avocats de Jérémy Garamond lui ont proposé de passer par la juridiction civile, où le délai de prescription est plus souple.

Au pénal, la prescription commence à partir des faits, soit l’agression. Au civil, elle est calculée à partir de ce que l’on appelle la « consolidation du préjudice », soit le moment où le dommage physique et psychologique est stabilisé, où il cesse de s’aggraver.

« Voir reconnaître son statut de victime »

Afin de déterminer le préjudice et la date de consolidation, Jérémy Garamond a dû se soumettre à une expertise médicale. Le médecin l’a fixé à la date du dépôt de plainte. Il n’y a pas prescription, le procès peut donc avoir lieu.

Puisque c’est au civil, l’accusé n’a pas été jugé pour un « crime » ou un « délit » mais pour une « faute » ayant « causé un préjudice ». Le 17 novembre, José Bruneau de La Salle, 72 ans, est déclaré responsable. Il devra verser à Jérémy Garamond des dommages et intérêts dont le montant sera décidé dans les mois à venir. La victime a demandé près de 103 000 € d’indemnisation.

« En portant l’affaire en justice, M. Garamond entend voir reconnaître son statut de victime, démarche qui répond au besoin essentiel d’être cru et qui apparaît déterminante pour l’amélioration et la stabilisation de son état », souligne le jugement qui fera date.

Des centaines de victimes espèrent obtenir réparation

« On était dans une enceinte judiciaire avec des avocats et des magistrats qui s’assurent que tout le monde est entendu. On a mis fin à l’impunité dans le respect du procès équitable », rappelle Me Baptiste de Fresse de Monval, l’un des trois avocats de Jérémy Garamond à l’origine de cette procédure qu’il estime « novatrice »« À notre connaissance, c’est la première fois qu’un dossier où les faits sont manifestement prescrits au pénal est traité exclusivement au civil. Ça n’a jamais été fait depuis la vague #MeeToo », ajoute-t-il.

Cette décision ouvre la voie aux victimes d’agressions sexuelles pour lesquelles les faits sont prescrits. Depuis la médiatisation de l’affaire, Jérémy Garamond a ainsi reçu des centaines de messages de personnes qui espèrent obtenir un jour réparation.

Parmi elles, Hélène Devynck, fer de lance des accusations de violences sexuelles contre Patrick Poivre d’Arvor. « C’est un espoir puisque au pénal on a épuisé tout ce qu’on pouvait faire (les faits sont prescrits, NDLR). Si on peut obtenir réparation au civil, on y réfléchit », a réagi la journaliste sur France 5.

« Le sujet, ce n’est pas la condamnation »

Me Baptiste de Fresse de Monval encourage toutes les personnes concernées à aller là où il est possible d’obtenir un procès « tout en respectant les principes du droit »« Le sujet, ce n’est pas la condamnation. Le sujet, c’est que pour une fois on dise à la victime : “Je t’ai entendu, je te crois, les faits que tu avances sont avérés et la personne qui les a commis est responsable” », affirme-t-il.

La justice doit-elle s’adapter et rallonger la durée de la prescription ? Pour l’avocat de Jérémy Garamond, ce n’est pas nécessaire. « Il est très bien qu’il existe une prescription au pénal. Il y a une logique. Mais ce n’est pas pour ça qu’il ne peut pas y avoir un procès. »

L’avocat pointe par ailleurs un avantage dans les jugements au civil : le délai. Jérémy Garamond a porté plainte en 2018 et a obtenu la décision quatre ans après. Au pénal, la procédure peut être jusqu’à quatre fois plus longue.

AFFAIRE DI FALCO

« Pour Marc, l’instance civile entamée en 2016 constitue le dernier espoir d’échapper au couperet de la prescription, grâce à des règles de calcul différentes.

Au pénal – l’agresseur risque alors une peine de prison –, la prescription est de vingt ans à compter de la majorité de la victime (dans le cas d’une agression sur un mineur de moins de 15 ans). Au civil – il s’agit dans ce cas de faire reconnaître un préjudice, le plus souvent en demandant une indemnisation financière –, le délai est le même, mais la prescription ne démarre qu’à partir de la consolidation des dommages subis par la victime. Autrement dit : quand l’état de la victime se stabilise, que ses « blessures » physiques ou psychologiques deviennent permanentes et que l’on peut donc estimer correctement son préjudice. Une nuance qui change tout, certains faits devenant quasiment imprescriptibles.

Dans un premier temps, la démarche de Marc a été mise en échec. En première instance, puis en appel, la justice civile a estimé que le délai de prescription devait être calculé à partir de 1989, date à laquelle Marc avait entamé une psychothérapie. Mais, en 2022, la Cour de cassation a complètement relancé le dossier, qui était « parti pour être enterré »,selon l’avocat de Marc, Jean-Baptiste Moquet. La plus haute juridiction française a cassé l’arrêt précédent, en estimant que le tribunal aurait dû chercher à savoir si les dommages étaient consolidés pour se prononcer sur la prescription des faits.  » ../..

« Pour le commun des mortels, c’est vrai que c’est à n’y rien comprendre », admet Jean-Baptiste Moquet, interrogé sur le décalage entre justice pénale et civile. « La difficulté, c’est qu’au civil, c’est la victime qui a la charge d’apporter la preuve de ce qu’elle avance », nuance-t-il. « Le tribunal va exiger des preuves parfaites, très difficiles à produire dans des dossiers de violences sexuelles, alors qu’au pénal on va pouvoir confronter la parole de la victime et du prévenu, pour faire émerger une intime conviction chez le juge. » Des preuves peuvent toutefois provenir d’attestations médicales, de traces écrites ou encore de l’enquête pénale classée sans suite, mais dont les éléments peuvent être produits devant un tribunal civil, par exemple en cas d’aveu de l’auteur d’une agression devant la police.

Source Médiapart

L’indemnisation par le fonds de garantie des victimes

Le Fond de garantie des victimes :

  • la civi Commission d’indemnisation des victimes d’infractions 
  • Le sarvi Servide d’aide au recouvrement des victimes d’infractions

Les commentaires sont clos.