D’abord je me suis dit jamais d’enfant! Pas dans ce monde et je ne suis pas capable. Et puis, j’ai rencontré le père de mon fils et pour lui j’ai accepté d’avoir un enfant. Il y a 24 ans.
J’ai rêvé de cet enfant mais lorsque j’ai su que j’étais enceinte, j’ai paniqué et je me suis scarifié. J’étais effondrée parce que tout le monde pouvait voir que j’avais « péché » (j’avais 26 ans et je vivais avec le père de mon fils!) Je voulais cet enfant mais je ne voulais pas être enceinte, je ne voulais pas que mon intimité soit affichée! Bien sûr, j’ai eu des nausées et des vomissements pendant toute ma grossesse, un poids sur l’estomac. Je savais que j’étais enceinte mais je ne le comprenais et ne le ressentais pas. Je n’ai pas senti mon bébé bouger, je l’ai ignoré alors que son père lui parlait. J’ai grossi mais n’ai pratiquement pas pris de ventre. Physiquement, ma grossesse était plutôt très discrète.(je crois bien comprendre le déni de grossesse)
Dans un article, des femmes déclaraient qu’avoir un enfant c’était une renaissance, une seconde chance, j’ai alors cru que j’allais accoucher de moi ! J’allais accoucher d’un monstre! Il ne fallait pas qu’il naisse! Il ne fallait pas qu’il me ressemble! J’ai repris une psychothérapie. Heureusement, mon compagnon était très présent, ma gynécologue très compréhensive et attentive (je ne supportais pas qu’un ou qu’une inconnue me touche même s’il s’agissait d’un médecin) Antoine naît et d’emblée, il ressemble à son père !
Avant tout, le protéger! Il faut que mon enfant soit rassuré et aimé pour savoir. Il faut qu’il sache ce qui est bon pour lui et qu’il sache dire non au reste.
Je voudrais l’aimer mais je ne sens rien, m’occuper de lui m’inquiète et m’ennuie. Je déclare que l’instinct maternel n’existe pas!! Je ne suis pas capable d’être une bonne mère, je le mets à distance. Je favorise les relations père/fils. Je refuse de l’allaiter, trop de promiscuité, c’est son père qui s’occupe de lui. Si je dois m’en charger, il faut que ce soit parfait, comme dans les livres! Comme je ne sens pas comment faire, il faut que je fasse parfaitement comme c’est écrit! Être mère après l’inceste c’est ne pas savoir et ne pas sentir ou ressentir. Entre 3 et 6 mois j’ai envisagé de soigner mon fils par des lavements mais avant de passer à l’acte, j’ai demandé conseil à son pédiatre qui m’a expliqué que rien ne justifiait le recours à ce traitement. Heureusement, j’ai douté et le médecin a pu me dire « la n orme ».
Son père est parti lorsqu’il a eu 3 ans. J’ai alors décidé de faire de mon mieux pour être une bonne mère. Je savais que je ne le prenais pas dans mes bras, sauf à sa demande. Je savais que j’étais une mère « robot » ou « livresque ». J’ai mis en place les règles énoncées dans les livres puisque je ne sentais pas les limites. J’ai aussi demandé l’aide d’un pédopsychiatre pour valider ces règles.
J’ai surtout voulu lui apprendre à dire NON et à se faire confiance envers et contre tous! En fait, je lui ai surtout transmis ma défiance et ma haine du pouvoir. Aujourd’hui, mon fils a 23 ans, c’est un jeune homme « à vif » qui contourne les règles et l’autorité dès qu’il le peut sans toutefois, prendre trop de risques. Quant à moi, je suis toujours une maman « Zorro », prête à tout pour le protéger du désespoir.