PAR MARIANNE KUHNI
Lorsqu’un père a des comportements incestueux envers son enfant, la psychanalyse considère que l’enfant en est responsable, soit parce qu’il séduirait son père, soit parce qu’il ne le repousserait pas.
Comment peut-on faire porter une telle responsabilité à un enfant ? D’abord, un enfant n’a ni la force physique ni la maturité psychique pour repousser son père. Ensuite, la séduction d’un enfant n’a rien à voir avec la sexualité d’un adulte. Et même si l’enfant avait un comportement hyper-sexualisé, ce qui reste à prouver, un père avec une bonne capacité parentale devrait protéger son enfant, lui dire « non », au lieu de profiter pour en abuser.
L’interprétation psychanalytique de l’inceste a pour conséquence de minimiser les incestes paternels et de protéger les pères incestueux. Face à une telle conception, on peut se demander si la psychanalyse n’est pas en elle-même une production d’un Syndrome de Stockholm sociétal. Pour plus d’informations :
– La psychothérapie féministe (voir le Syndrome de Stockholm sociétal, dans le paragraphe « pathologies sociétales »)
– Alice Miller : le complexe psychanalytique de l’Œdipe projette sur l’enfant les désirs de l’adulte (la psychothérapeute Alice Miller fut une pionnière de la psychotraumatologie)
– La psychanalyse dévoilée : autisme et théorie sexuelle (à propos de documentaires de Sophie Robert, réalisatrice et productrice qui a donné la parole à plusieurs psychanalystes renommé)
Françoise Dolto et l’inceste
La célèbre pédiatre et psychanalyste Françoise Dolto (spécialisée dans la psychanalyse des enfants) a peut-être elle-même vécu dans un contexte de Syndrome de Stockholm familial en raison d’une histoire d’inceste dans sa famille : « parce que ma sœur est morte et que c’est moi qui aurais dû mourir selon elle. Ma sœur était blonde aux yeux bleus, comme le père de ma mère, et elle aurait dû vivre parce que, pour ma mère, elle était la fille de l’inceste ». (Autoportrait d’une psychanalyste – 1934-1988, éd. du Seuil, 1989, p.18). »
La phrase « Ma sœur était blonde aux yeux bleus, comme le père de ma mère (…) elle était la fille de l’inceste » fait penser que la sœur aînée de Françoise Dolto serait née d’un inceste entre sa mère et son grand-père maternel.
Et la phrase « parce que ma sœur est morte et que c’est moi qui aurais dû mourir selon elle » fait penser que sa mère aurait aimé beaucoup plus sa fille née de l’inceste que Françoise Dolto née hors-inceste, allant même jusqu’à dire qu’elle aurait dû mourir à la place de sa sœur. Cet amour fixé sur l’enfant de l’inceste (l’enfant de l’agresseur) fait penser à un Syndrome de Stockholm.
La conception de l’inceste de Françoise Dolto fait elle aussi penser à un Syndrome de Stockholm. Nous avons à disposition plusieurs entretiens dans lesquels Françoise Dolto s’exprime sur ce thème de l’inceste. A la lumière de son histoire personnelle et familiale, ces entretiens sur l’inceste s’éclairent. Il est possible de percevoir dans ses mots le contexte dans lequel elle a vécu, la souffrance qu’elle a peut-être ressentie face à l’amour exclusif de sa mère pour le fruit de l’inceste et le rejet dont elle-même a été victime.
Un entretien avec Françoise Dolto a été publié dans « Le viol du silence » d’Eva Thomas, ainsi que dans « Le livre noir de la psychanalyse », avec une référence à la revue « Choisir » de 1979. Il s’agit d’un entretien dans lequel Françoise Dolto est interrogée par la revue « Choisir » (en novembre 1979) sur le thème de l’inceste. Les descendants de Françoise Dolto n’ont pas exprimé de désaccords au sujet de ce texte.
Voici quelques extraits de cet entretien :
« Choisir – Mais enfin, il y a bien des cas de viol ?
F.Dolto – Il n’y a pas de viol du tout. Elles sont consentantes.
Choisir – Quand une fille vient vous voir et qu’elle vous raconte que, dans son enfance, son père a coïté avec elle et qu’elle a ressenti cela comme un viol, que lui répondez-vous ?
F.Dolto – Elle ne l’a pas ressenti comme un viol. Elle a simplement compris que son père l’aimait et qu’il se consolait avec elle, parce que sa femme ne voulait pas faire l’amour avec lui.
(…)
Choisir – D’après vous, il n’y a pas de père vicieux et pervers ?
F.Dolto – Il suffit que la fille refuse de coucher avec lui, en disant que cela ne se fait pas, pour qu’il la laisse tranquille.
Choisir – Il peut insister ?
F.Dolto – Pas du tout, parce qu’il sait que l’enfant sait que c’est défendu. Et puis le père incestueux a tout de même peur que sa fille en parle. En général la fille ne dit rien, enfin pas tout de suite. »
D’autres entretiens avec Françoise Dolto ont été publiés dans l’ouvrage : L’enfant, le juge et la psychanalyste ; entretien entre F. Dolto et A. Ruffo, Gallimard, 1999.
Voici quelques extraits de ce livre :
page 11 (préface) :
La juge : « Ce jour là, Françoise Dolto nous a parlé avec l’assurance que lui donnait sa longue expérience clinique de psychanalyste, son respect des enfants. »
page 33
La juge : […] ce que je veux dire c’est qu’il arrive souvent avec des enfants de douze, treize ans, qu’on nous dise: « Cet enfant a des troubles de comportement », parce qu’il a vécu un inceste, parce qu’il a été rejeté, parce qu’il a été méprisé. Mais moi je refuse de lui accorder la protection pour ses troubles.
F. Dolto : mais vous avez tout à fait raison parce que l’important c’est : puisqu’il a survécu, qu’est-ce qu’il y a eu de suffisant pour y prendre son pied ? Si un être est vraiment traumatisé, il tombe malade; si un être n’a pas de quoi vivre, il ne continue pas.
page34
F. Dolto : Si les enfants savaient que la loi interdit les privautés sensuelles entre adultes et enfants, et bien, à partir du moment où un adulte le lui demande, s’il accepte, c’est qu’il est complice, il n’a pas à se plaindre. Mais il peut avoir, sans se plaindre, à dire : « mais ça m’a fait très mal. – Oui. Pourquoi t’es-tu laissé faire puisque tu savais que ce n’était pas permis… »
À partir du moment où l’enfant est au courant, très jeune de la loi, il est complice et on peut l’aider beaucoup mieux.
La juge : Je comprends très bien. À ce moment-là, on ne lui donne pas un rôle de victime.
page 53
La juge : Oui. Les enfants se sentent tellement coupables! C’est leur donner la permission de grandir de leur dire qu’ils ne sont pas responsables de leurs parents.
F. Dolto : Ils sont responsables de laisser les parents commettre un acte qui les avilit dans leur relation à leurs enfants.
page 81
La Juge : Mais quand le père nie et que la mère est complice, que la mère refuse ou est incapable de protéger son enfant, qu’il faut le retirer du milieu familial, qu’arrive t-il de cette relation avec le père ?
F. Dolto : Ça dépend de chaque enfant, et je crois que ça dépendra de la relation maturante qu’il va rencontrer avec la famille dans laquelle il sera placé, ou avec l’éducateur avec qui il pourra parler et qui pourra justement lui faire comprendre que l’excitation dans laquelle était son père, peut-être sans l’avoir cherché, l’enfant en était complice. Parce que je crois que ces enfants sont plus ou moins complices de ce qui se passe…Il faudra leur dire très tôt…qu’ils ont un devoir de se dérober à ça pour que leurs parents restent des parents pour eux…
page 83
F. Dolto : Les enfants fabulent beaucoup, oui, c’est vrai. vous voulez dire: est-ce qu’ils fabulent sur les agressions dont ils sont l’objet ?
La Juge : Oui, par exemple, un enfant dit : « Papa a fait ceci ou cela avec moi. »
F. Dolto : Oui, justement, et les enfants ne pourraient plus le faire s’ils avaient été informés avant. « Et là pourquoi as-tu laissé faire puisque tu savais que tu ne devais pas, pourquoi l’as-tu laissé faire ? Ton rôle d’enfant, c’était de l’empêcher. »
Source : « Françoise Dolto et la responsabilité des enfants envers leurs parents », un document publié sur Facebook le 14 septembre 2011 par Aude Fiévet, membre fondatrice et Vice Présidente de l’association Le Monde à travers un Regard (association de lutte contre l’inceste et la pédocriminalité).
Et voici les PDFs des textes cités ci-dessus :
– entretien complet de Françoise Dolto dans le dossier « Les enfants en morceaux » publié dans le numéro 44 (septembre-octobre-novembre 1979) de la revue « Choisir la cause des femmes »:
L’entretien de Françoise Dolto débute à la 8ème page de ce dossier (pp. 20-22 de la revue). Cet entretien est suivi d’un commentaire critique de Béatrice Jade, l’une des 3 responsables de ce dossier, qui s’étonne que l’on puisse tenir de tels propos sur les enfants en 1979. Il est vrai qu’à la même époque l’on découvrait peu à peu les travaux d’Alice Miller qui fut une pionnière de la psychotraumatologie, de la prise en compte de la parole des victimes et de la lutte contre la maltraitance des enfants.
Ces PDFs ont été transmis sur Twitter par la juriste Azur Schmitt également autrice du blog « La correctionnalisation du viol, la négation d’un crime – En finir avec la correctionnalisation du viol ».
Marianne Kuhni Gestalt-thérapeute (psychothérapie) et superviseure, spécialisée dans l’accompagnement et l’aide aux victimes
Les articles de Marianne Kuhni
Madame, Monsieur,
j’attire votre attention, si besoin était, sur une situation précise, pour le moins problématique.
à la lecture du témoignage d’une victime de réseaux pédocriminels, Fiona Barnett, il apparaît que la présidente de la commission australienne des droits humains, Mme Rosalind Croucher, est issue de réseaux pédocriminels. Fiona Barnett qualifie Rosalind Croucher d’abuseuse, abuseur d’enfants, précisant avoir été victime de Rosalind Croucher.