Dans ses propositions du 20 novembre 2020, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) recommande que soit fixée dans la loi une présomption de contrainte lorsqu’une personne majeure commet un acte sexuel sur un mineur de 13 ans.
1 – Les arguments en faveur de 13 ans
Le HCE, en faveur de l’âge de 13 ans, rappelle que « l’âge de 13 ans est déjà reconnu par le droit français comme étant celui du discernement : c’est le cas en droit civil pour le consentement à l’adoption, au changement de nom ; sur le plan pénal le projet de code de justice pénale des mineur.es prévoit de fixer à 13 ans le seuil d’âge pour la mise en cause de la responsabilité pénale d’un.e enfant ».
Pour autant, si l’âge du discernement en droit civil est souvent fixé à 13 ans, il concerne la famille, le cadre de vie, la scolarité, des éléments quotidiens dans la vie de l’enfant. Exprimer un consentement devant un juge, après avoir été informé des conséquences de son choix, dans le cadre d’une procédure orientée dans son intérêt de l’enfant ne peut être comparé au fait de donner un « consentement » à un acte sexuel avec un adulte. Les situations n’ont rien de comparable. Un mineur de 13 ans n’a pas la maturité suffisante pour appréhender la sexualité, ce qui ne lui permet pas l’expression d’un consentement libre et éclairé.
2 – Les arguments en faveur de 15 ans
En droit pénal, c’est l’âge de 15 ans qui représente aujourd’hui un seuil (en dessous de 15 ans, l’acte relève au minimum de l’atteinte sexuelle) et l’abaissement de ce seuil constituerait une régression dans la protection de l’enfance.
Le rapport Louis rappelle à cet égard que la détermination de l’âge de 15 ans pour son intégration dans les définitions du viol et de l’agression sexuelle avait fait l’objet de vives discussions. C’était l’âge retenu dans un avis du 1er mars 2015 de la mission pluridisciplinaire mise en place par la Ministre de la Justice et Marlène Schiappa avait indiqué en Commission des lois : « c’est l’âge de la majorité sexuelle (…). Nous prenons en compte la vulnérabilité particulière des jeunes adolescents, des enfants, d’un point de vue psychique et physique puisqu’il a été attesté scientifiquement que le développement du cerveau et le niveau de maturité sont très variables jusqu’à l’âge de quinze ou seize ans » (p. 121 du rapport).
3 – La question de l’écart d’âge.
Le choix de l’âge de 13 ans vise à assurer un écart d’âge minimum entre le coupable potentiel et la victime. Le HCE estime « qu’en fixant ce seuil d’âge à 13 ans, l’écart d’âge entre l’enfant et une personne tout juste majeure serait suffisant ».
Ce souci de réserver un écart d’âge est fondé sur la volonté de ne pas exposer des jeunes couples de 14 et 18 ans à la « menace » de l’âge de non-consentement.
Un tel argument ne saurait pourtant convaincre pour abaisser l’âge de référence du consentement à 13 ans. De façon générale, il ne semble pas disproportionné que les jeunes de 18 ans doivent s’abstenir de relations sexuelles avec des jeunes de 14 ans et moins.
En particulier, le fait qu’une relation consentie entre deux jeunes de 17 et 14 ans devienne une infraction dès lors que le plus âgé des deux atteint ses 18 ans ne justifie pas non plus d’abaisser le seuil à 13 ans.
- Tout d’abord, l’existence de « cas limite », c’est le propre de tout seuil : si l’âge était fixé à 13 ans, on trouverait sans aucun doute des cas où un jeune de 17 ans entretenant une relation consentie avec un autre de 12 ans se trouverait soudain en situation illicite en soufflant sa 18ème bougie.
- Ensuite, si une plainte devait être déposée dans un tel cas « limite », rappelons que le procureur est juge de l’opportunité des poursuites. Il convient de laisser à l’appréciation du magistrat de décider de poursuivre ou non.
- Enfin, et surtout, une telle hypothèse « limite » ne peut servir de prétexte à assurer l’impunité à tous les autres adultes qui prétendraient qu’un jeune de 14 ans était consentant.
Au moment même où le HCE publie sa recommandation, l’affaire des pompiers de Paris, poursuivis pour atteinte sexuelle et non pour viol sous prétexte que la jeune fille, âgée de 14 ans, aurait été consentante, illustre bien l’insuffisance de l’âge de 13 ans.
Avec un seuil de de 13 ans, un homme comme Gabriel Matzneff pourrait en toute impunité entretenir des relations sexuelles avec des jeunes filles comme Vanessa Springora, âgées de 14 ans. Rien n’aurait changé finalement.
En conclusion, il faut choisir entre deux inconvénients
- Exposer des jeunes de 18 ans à se trouver en infraction dans le cadre d’une relation débutée avant leur majorité.
- Permettre à des adultes de prétendre que des jeunes de 14 ans sont consentants.
Entre deux inconvénients, il faut choisir le moindre, qui est sans hésitation de mettre fin à l’impunité de tous les Matzneff et autres prédateurs.