Le sentiment de honte et de culpabilité… je l’ai ressenti très fortement toute petite. Parce que j’ai grandit dans une famille très maltraitante, mon père était alcoolique et très violent. Ma mère me rejetait complètement, elle ne voulait pas s’occuper de moi. Rien qu’ en dehors de l’inceste, j’avais la sensation de ne pas exister, et d’être invisible, ça rejoint un peu le fait de ne pas avoir le droit de vivre, j’avais l’impression d’avoir toutes les tares toute petite et que je n’étais pas aimable, je n’étais pas importante, j’ai un petit frère qui a un an de moins que moi et lui avait tout l’amour de ma mère et n’était jamais battu par notre père. C’était comme ça. Je me disais que forcément ça ne pouvait venir que de moi. Et après quand il y a eu l’inceste à 5 ans, par le frère de ma mère, je n’ai pas trop compris ce qu’il se passait, je savais que ce n’était pas bien, mais en même temps je n’ai pas dit « non », j’ai pleuré mais je n’ai pas dit « non » et mon père est intervenu sur cette première fois, il est arrivé, il l’a pris en flagrant délit et il l’a attrapé violemment, il l’a emmené dans la maison et voilà, c’est tout, on en n’a pas reparlé, cet oncle est devenu mon baby Sitter toutes les semaines jusqu’à 12 ans. Il a continué bien sûr. Moi, comme je savais que mon père l’avait vu et savait je me disait que je n’étais vraiment pas aimable et vraiment pas importante puisque tout le monde s’en foutait et j’ai traîné ce sentiment pendant très longtemps, de solitude et d’être invisible aux yeux de tout le monde. A l’adolescence, je suis devenue très violente, j’avais tellement la sensation de ne pas exister qu’ il fallait que je trouve des solutions pour me persuader que j’étais bien là et vivante. Alors j’ai commencé l’automutilation, mais pas pour me punir, pas par sentiment de honte mais juste pour me faire du mal et me prouver que j’existais et que j’étais bien là et que ce n’était pas un rêve. Après j’ai fugué, j’ai pris de la drogue, ensuite c’était l’alcool, enfin, il y a eu tout un passage. L’autodestruction en couchant un peu avec n’importe qui mais pour moi, c’était plus pour être sûre que j’étais bien là. Si je me faisais du mal j’étais sûre que j’étais bien là et si j’étais dans mon état normal, je ne ressentais rien, j’avais juste l’impression de flotter, de ne pas être là. Ce sentiment là, d’être invisible, il ne m’a jamais quittée. Aujourd’hui, je le ressens encore. Ce qui fait que je me sens tellement mal partout, au travail, dans la rue, etc.… que maintenant je ne travaille plus. Je reste chez moi toute la journée. Je suis arrêtée, je suis en dépression, je suis sous traitement. Et depuis que je n’ai plus à affronter des gens au travail, dans la rue, dans les transports, je me sens mieux. C’est une fuite, une fuite sociale. Ce n’est pas la solution mais pour le moment je me sens plus en sécurité comme ça…mais j’ai toujours l’impression d’être invisible, qu’on ne me voit pas, qu’on ne m’entend pas, quand je fait quelque chose de bien, je me dit toujours que je suis un imposteur et qu’on va me démasquer ou que j’ai eu un coup de bol, mais je ne fait jamais les choses bien pour moi, parce que j’ai des qualités. Je ne sais pas si ça vient du sentiment de honte et de culpabilité, je me rends pas bien compte mais c’est plus l’impression de ne pas exister, comme je donne toujours l’impression d’aller bien, d’être souriante, les gens autour de moi ont l’impression que tout va bien. Donc, mon compagnon voit que je suis en dépression, que je suis arrêtée depuis trois mois mais il se dit « ben ça à l’air d’aller », le soir c’est « t’as pris ta pilule, ton médicament ? », ouais, bon ben c’est bon. Mais j’ai besoin de donner l’impression que tout va bien autour de moi parce que je ne veux pas que les gens soient mal, je ne veux pas que les gens soient malheureux, je ne veux pas déranger.
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