23/09/2015 Entretien
Recueilli par Élisabeth PETIT. Publié le 23/09/2015
Responsable de l’antenne fléchoise du Monde à travers un regard, Patricia Perez a créé l’un des rares groupe de paroles pour les victimes d’inceste et de pédocriminalité, dans la région.
Patricia Perez,
responsable d’un groupe de paroles.
Comment avez-vous eu l’idée de créer ce groupe de paroles ?
J’ai été victime d’inceste, entre l’âge de 5 et 20 ans. Je ne suis sortie du silence que parce que ma fille, qui avait dix-huit mois à l’époque, n’allait pas bien. J’avais 37 ans. Son thérapeute m’a dit qu’elle n’était pas malade, mais que c’est moi qui allais mal, et qu’elle ressentait ce malaise. Ça a été un électrochoc. Mon mari lui-même ne savait rien de ce que j’avais subi.
Un jour, j’ai pris part à un groupe de paroles, dans une association. Ça m’a aidée à me sentir moins bancale et à mettre des mots sur mes maux. Quand je suis arrivée à La Flèche, il n’existait aucun groupe, dans la région. J’ai décidé d’en créer un.
La plupart des victimes parlent-elles de ce qu’elles ont vécu ?
Les enfants ont souvent l’impression que ce qu’ils subissent est normal, parce que l’agresseur est un proche et leur présente les choses comme si c’était naturel. Certains craignent de ne pas être crus ou d’être mal jugés, s’ils parlent. Ils ont peur de faire voler leur famille en éclats. Beaucoup se sentent coupables de ce qui leur arrive, comme si c’était de leur faute. Mais croire qu’on va oublier en se taisant, c’est toujours une erreur.
Comment les proches réagissent-ils, lorsqu’ils savent ?
Certains font semblant de ne pas voir, par peur de représailles de l’agresseur. D’autres refusent la réalité, parce qu’elle est insupportable à leurs yeux. A contrario, il arrive que les proches s’en veulent de n’avoir rien vu. Le plus souvent, l’entourage ne comprend pas pourquoi certaines victimes éprouvent le besoin de briser le silence, dix ou vingt ans après. Il le vit à tort comme une soif de revanche. Pour les victimes, cette incompréhension représente une seconde agression.
En quoi les groupes de paroles sont-ils utiles ?
On se sent moins seul, quand on réalise que d’autres ont vécu la même chose. Nos groupes accueillent des victimes, mais aussi des proches. Dix-sept personnes les fréquentent, dont trois garçons. Il n’y a pas de psy. Chacun échange s’il le souhaite, avec son humeur du jour. Tout est anonyme et personne ne juge.
Encouragez-vous les victimes à porter plainte ?
Oui, même si les faits sont prescrits. Cette démarche permet d’être reconnue en tant que victime. Il faut aussi se dire qu’en parlant, on protégera peut-être d’autres personnes. Il existe parfois des générations de victimes. Révéler les choses peut aider à rompre cette chaîne néfaste et à faire la paix avec soi-même.
Samedi 26 septembre, prochaine réunion. Inscription préalable obligatoire. Adhésion annuelle à l’association : 30 € ; étudiants, chômeurs : 15 €. Groupe : 1 € par séance. Première séance gratuite. Contact : groupe.sarthe@gmail.com