Blessée
Blessée depuis un jour perdu dont elle ne se souvient même plus
Blessée
Blessée comme un pigeon qui boîte et qui tourne en rond sur l’asphalte
Blessée
Comme un passé qui la poursuit comme la nuit poursuit le jour
Blessée
Dans son cœur gros que toute sa vie, elle conduira comme un poids lourd
Blessée
Par un papa tellement sec que le désert a l’air mouillé
Blessée
Par les vieux doigts d’un vilain mec que sa mère a même pas quitté
Blessée
Par un d’ces coureurs de victimes qui lui arrachait ses jupons
Blessée
Dans ses désirs les plus intimes qu’on lui tordait comme des chiffons
Blessée
À force de toujours tomber en bas d’sa vie en construction
Blessée
Mais toujours prête à s’relever et à redresser le menton
Blessée
Sans doute à la vie à la mort, blessée, oui mais pas morte encore
Blessée
Mais résolue à vivre mieux cette foutue vie qui lui en veut
Blessée
Au creux d’son histoire en lambeaux, mais l’espoir en un seul morceau
Blessée
Pressée de voir s’achever la guerre, blessée avec le bras en l’air
Pressée
D’agiter son p’tit drapeau gris, celui que le temps a sali
Blessée
Par un papa tellement vieux qu’il aura pas l’temps d’aimer mieux
Blessée
Par une maman bien peu mature qui est du même sang que la blessure
Blessée
Et prête à prendre sous son aile tous les autres blessés comme elle
Blessée
Mais convaincue qu’un jour viendra où la souffrance s’estompera
Blessée
Comme tant d’personnes sur la planète que tout éprouve, que rien n’arrête
Blessée
Mais c’est la plus forte de toutes et son cœur lourd tient bien la route