Groupe de parole : la sexualité

* Tous les prénoms ont été changés afin de respecter l’anonymat des participant-es.

Émilie : Moi, je suis Émilie, ancienne victime d’inceste de 5 à 12 ans par mon oncle maternel, bénévole de l’association, 35 ans et 2 enfants.

Marie : Bonjour, moi je suis Marie, victime d’inceste et de pédophilie depuis toute petite jusqu’à 19 ans, je suis mariée, j’ai 3 garçons, je suis bénévole dans l’association.

Jennifer : Bonjour, moi je suis Jennifer, victime d’inceste d’un oncle de 5 à 7 ans, j’ai 31 ans, je suis mariée, j’ai 3 enfants.

Iris : Moi c’est Iris, j’ai 51 ans, 2 enfants, survivante de l’inceste, j’ai été victime de l’âge de 13/14 ans à je ne sais pas encore, je ne me rappelle pas et je suis mariée, remariée.

Sarah : Bonjour, moi c’est Sarah, j’ai 56 ans, je suis survivante de l’inceste de l’âge de 9 ans à 17/18 ans par un homme que j’avais reconnu comme mon père puisque j’étais enfant de la DASS. Je suis mariée 3 fois, divorcée 3 fois, je n’ai malheureusement pas d’enfant donc j’ai tout reporté mon amour sur mon chat. Je suis bénévole dans l’association.

Sarah : Je veux bien prendre la parole. Vu mon âge, la sexualité a de l’âge elle aussi. Comment je me suis construite sur un plan identitaire ? Je n’en sais rien, c’est la nature qui a fait ce qu’elle avait à faire. J’en suis arrivée après mes différents divorces à rencontrer quelqu’un qui quelque part m’a tout appris, m’a fait prendre conscience de qui j’étais, ce qui était mon droit avant d’être mon devoir. Les choses étant ce qu’elles sont je vis actuellement une autre période qui est, je dirais, une vie asexuelle et je ne m’en porte pas plus mal.

Iris : A l’époque de mon agression, c’était des aventures sans lendemain avec n’importe qui, c’était pas important, mais surtout pas avoir de sentiment en même temps parce que ce n’était pas possible de mélanger les deux. Après, je me suis mariée à l’âge de 23 ans, j’ai vécu ça difficilement, le devoir conjugal c’était pour moi quelque chose d’impossible, donc, avec mon mari on était souvent séparé à cause de son travail souvent et ça m’arrangeait plutôt parce que ça m’évitait d’avoir des contacts trop rapprochés. J’ai 50 ans aujourd’hui et je n’ai toujours pas de vie sexuelle… peut-être c’est l’âge qui fait aussi ça… la chose, mais identité sexuelle, je crois que je n’en ai jamais eu et encore aujourd’hui, avec les hommes en général, je suis très, très, très mal à l’aise donc, on en peut pas parler de séduction parce que ça me fait peur.

Jennifer : Ma sexualité, je ne la vis pas très bien. Ma vie intime, avec mon mari elle est nulle, quasiment nulle, ça va faire 7 ans, depuis que je suis sortie du déni. Avant j’ai eu des expériences sexuelles mais de là à être épanouie, je ne pense pas mais je n’étais pas comme je suis maintenant.

Marie : Vivre ma sexualité, j’en n’ai pas du tout, ça ne m’intéresse pas du tout. C’est difficile à vivre en vie de couple, parce qu’au début que je suis sortie du déni, j’ai dit à mon mari quelques temps après de ne pas me toucher, il n’y était pour rien mais je ne supportais pas même qu’il me mette la main sur l’épaule. Puis, petit à petit, de toute façon, on n’avait pas grand-chose à ce niveau là non plus avant mais depuis, il ne se passe rien du tout sauf une fois où j’ai fait l’effort de … puis j’ai pleuré quand c’était fini, puis, je crois qu’il a senti que ce n’était pas la peine. Ça ne me manque pas en même temps et puis parfois, il y a des moments où j’ai envie de dire j’aimerais bien être une none pour qu’on ne m’emmerde pas avec ça. Je pense que ce n’est pas facile pour l’homme mais je me dit que quelque part c’est son problème. Je ne sais pas ce qu’on entend par identité sexuelle, est ce que c’est à l’âge de l’adolescence qu’il faut parler ? Moi je n’ai pas vécu d’adolescence, je n’ai jamais eu de compagnon, le seul homme que j’ai rencontré c’est mon mari, il y a eu des tentatives de gens avec moi mais je savais très bien refuser les gens. C’est bizarre parce que ça me rappelle que quand j’étais jeune fille, j’avais une cousine qui aimait beaucoup les bals, je suis de la campagne et il y avait des bals, elle insistait tout le temps pour m’emmener au bal et moi je ne voulais pas y aller et en plus je sais que c’était cher parce qu’on n’avait pas d’argent, parce que c’était cher je ne voulais pas y aller et en plus ça ne me plaisait pas, quand j’y allais pour lui faire plaisir, je restais assise sur une chaise à regarder les gens danser, il y avait des garçons qui venaient me chercher pour danser mais ce n’était pas que pour ça, j’ai eu cette impression là, mais ça ne m’a jamais, jamais, jamais intéressée. Je ne cherchais rien moi, je ne cherchais pas, c’est vraiment le hasard qu’on se soit rencontré avec mon mari parce que ça ne m’intéressait mais pas du tout, du tout. Et avant qu’on se rencontre, je ne me faisait pas de vie de couple dans ma tête, je me posais la question, si, de me dire à cet âge là « est-ce que je suis normale parce  que je n’ai pas de vie de couple » et puis c’est venu tout seul, sans que je la cherche. Quand j’ai rencontré mon mari, j’étais très amoureuse, j’étais dans le déni, je crois que le déni a commencé à ce moment là. Je pense à ma première relation sexuelle où je me souviens je l’ai fait patienter longtemps parce que je voulais avoir la confirmation qu’il m’aimait, je ne voulais pas que l’on couche tout de suite, je me disais « ça, c’est pas bien » et j’ai du aller chez le gynécologue, je détestais ça, j’étais toute rouge, je me souviens j’ai fait un malaise, il est venu avec moi et puis en plus, il n’était pas habile ce gynéco là, pour prendre la pilule en fait. Et mon premier rapport sexuel, je m’en rappelle très bien parce que je me souvenais que j’avais eu des agressions à ce moment là, je me suis souvenu de ça parce que je n’ai pas compris pourquoi j’avais du sang alors que j’avais été violée et puis c’est là que je me suis dit « je ne comprend rien » et je pense que c’est à partir de là que j’ai tout oublié de ce qui s’est passé autrefois.

Émilie : Concernant mon identité sexuelle c’était compliqué parce que mon agresseur se servait beaucoup de la pornographie avec moi, que ce soit par des films ou par des BD pornographiques, c’était quand même omniprésent pendant les agressions. On m’a montré la pornographie très, très petite, du coup je pense que j’ai été un peu conditionnée à la pornographie enfant, du coup, je pense que c’est la vision que j’avais du sexe après quand je me suis construite et une fois que les agressions se sont arrêtées quand j’ai eu 12 ans, j’ai commencé à avoir des flirts et j’ai commencé à m’apercevoir que je plaisais au collège, etc. et je me suis dit « je vais un peu me venger … », enfin, à l’époque je ne le pensais pas comme ça parce que c’était inconscient mais je me suis dit « je vais un peu me venger, séduire les garçons et une fois qu’ils seront séduits, je les jetterais comme des merdes et je vais leur faire mal à tous » et c’est un peu ce que je faisais sans aller loin, c’était vraiment du flirt, genre bisou sur la bouche et casse-toi mais c’est un peu ce que je faisais au collège, d’ailleurs les autres m’appelait « la sauterelle » parce que  je sautais vraiment de garçon en garçon et je m’amusait à les séduire tous les uns après les autres et après je leur disais « ben non, vas-y casse-toi, je m’en fout de toi », ça m’amusait beaucoup. Après, quand je suis rentrée au lycée, j’ai eu une relation un peu plus sérieuse avec un copain mais je ne comptais pas avoir de relation sexuelle parce que ce n’était pas du tout dans mes projets et je ne m’en sentais pas du tout capable et en fait, je me suis retrouvée un peu piégée, comme ça, à l’âge de 15 ans, c’était mon petit copain, il m’avait invitée dans sa chambre pour réviser les cours de russe et on s’est retrouvé comme ça sur son lit, il m’a mis la main dans son slip et moi, j’étais horrifiée parce que ça m’a vraiment rappelé les agressions de toucher ce truc là qui m’a vraiment répugnée. Je me suis retrouvée violée par ce petit copain, c’était hyper difficile, c’est même pas le mot, du coup : enceinte, parce que ce n’était pas prévu que j’ai des relations sexuelles, enceinte à 15 ans, du coup IVG à 15 ans. J’ai eu beaucoup de mal à me défaire de ce petit copain, il avait vraiment une emprise, le profil de l’agresseur, c’était vraiment de la revictimisation pure et dure, j’ai mis 3 ans à m’en défaire. Quand je m’en suis défait c’est quand je suis arrivée dans la rue et dans la rue j’ai commencé à avoir une sexualité complètement débridée, à multiplier les partenaires, à voir des femmes, des hommes, c’était vraiment n’importe quoi, en plus j’étais dans la toxicomanie donc ça n’aidait vraiment pas. Je crois que j’ai développé à ce moment là une espèce d’addiction au sexe et à la pornographie et je ne me rendais pas compte à l’époque que c’était de la destruction, que c’était lié aux conséquences de ce que j’avais vécu, que c’était lié au conditionnement que j’avais eu quand j’étais petite et mon identité sexuelle s’est construite comme ça jusqu’à mon mariage, j’ai un ancien petit copain qui est venu me sortir de la rue, qui m’a ramenée chez ses parents, qui est devenu mon mari à 19 ans, ça s’est construit comme ça.

Sarah : Comme je le disais tout à l’heure, j’ai été enfant de la DASS, donc à la recherche du papa et de la maman, la maman j’ai eu de la chance de rencontrer une dame qui a joué ce rôle là et qui a tenu ce rôle là. Pour ce qui est du papa, j’ai cru que je l’avais rencontré jusqu’au jour où j’ai réalisé que ce qu’il avait fait c’était pas normal. Résultat, ma vie intime a tourné autour de la recherche de cette protection, je me suis construite avec l’idée que pour une femme il faut que l’homme soit protecteur, un peu le « père » quoi. Du coup, mes relations au départ, les premiers hommes avec qui j’ai été était des hommes qui avaient tous 20, 25 voir 30 ans de plus que moi, puis, ça a passé, je me suis mariée une première fois avec un homme qui avait le même âge que moi, enfin, il avait 4 ans de plus, ensuite j’ai divorce, et puis, après mon premier divorce, je ne sais pas, il y a eu un tilt en moi qui a fait que je me suis dit que la sexualité… je me soumettais aux rapports sexuels parce que c’était mon devoir mais le plaisir je ne sais pas ce que c’était. J’ai souvenir d’un rapport… la seule fois où j’ai éprouvé du plaisir avec mon premier mari, il y avait un rapport de force où il m’a dit textuellement « je vais te faire l’amour vache », est ce que je me suis fait un film là-dessus, toujours est il qu’à partir de ce jour là j’ai cherché des relations… enfin, des rapports de force et j’ai basculé sans savoir ni comment, ni pourquoi dans des rapports de domination, j’ai évidemment exploré les deux côtés de la barrière pour finalement bien trouver ma place du côté soumission et j’ai donc tenté de trouver l’homme qui tiendrait ce rôle là dans l’amour. Parce que bon, domination, relation soumission c’est facile mais dans l’amour c’est plus difficile, donc, j’ai fini par rencontrer cet homme là, je suis avec lui depuis 11 ans, enfin, ça va faire 13 ans jusqu’au jour où lui de son côté il n’a plus assumer ce rôle là, on est dans l’affect, on est dans le sentiment, on est dans la tendresse mais au niveau rapports, non, on n’a plus besoin de rapports, est ce que c’est un besoin ? On n’a plus envie d’avoir de rapports, de toute façon, moi je sais et je sens formellement au fond de moi que je ne peux pas envisager un rapport sexuel sans un rapport de force, j’ai plongé dans le SM si on veut mais le SM de qualité qui est beaucoup plus psychique que physique.

Marie : J’ai envie de parler de l’éducation sexuelle parce que je n’en ai jamais reçu, si, à l’école, on a eu de l’info quand j’étais en 3ème parce qu’il y avait beaucoup de filles enceintes dans l’école et moi je n’y connaissais rien du tout et c’est marrant parce que c’est dans ma vie d’adulte, il n’y a pas très longtemps que j’ai découvert qu’on pouvait faire ça autrement, qu’il y avait des choses que l’on pouvait faire à deux que j’ignorais complètement, ça m’a choquée, je trouve ça dégueulasse et puis je me dit c’est bizarre que je ne sache pas que ça se fasse alors je me demande si on ne me l’a pas fait tellement fait faire que je l’ai oublié, du coup, je me suis dit ça n’existe pas. J’ai une sœur qui a sur dire les mots quand elle a parlé de ce qu’on lui a fait faire, moi, ça a été impossible et bizarrement c’est dimanche, c’était au marché et chaque fois que je vais au marché je ne vais jamais bien, je ne sais pas ce qu’il se passe alors je me dit est-ce que c’est parce qu’il y a plein de monde autour de moi ? Et dimanche j’ai compris quelque chose, au marché, au moment où je payais la personne, je me suis dit mais qu’est ce qui ne va pas là ? Je commençais à pleurer et en fait j’entendais les voix des commerçants qui crient quand ils vendent des choses et ça m’a ramenée très loin et j’avais l’impression que ces voix elles étaient très loin dans ma tête alors que les commerçants étaient à côté de moi. J’ai vu hier, en analyse avec ma psy, ça m’a ramenée à un souvenir que je n’avais jamais raconté que j’ai eu à la sortie du déni et que j’ai enfin raconté hier mais dans des conditions… il m’a fallu presque un quart d’heure pour raconter une scène que j’ai vécu avec des cris et tout ce qui va avec, je n’arrive pas à penser autrement que c’est quelque chose de sale, je n’en suis pas là.

Jennifer : j’ai grandit dans une famille où il n’y avait aucun tabou, la sexualité était normale, j’ai vu et entendu des choses qu’une petite fille n’a pas à voir ou à entendre, j’ai vu mon père battre ma mère, la violer, j’arrête là…

Émilie : Comment je vis ma sexualité ? Aujourd’hui, c’est compliqué. Quand j’étais avec mon mari, mon mari était vierge, il n’avais jamais eu de relation sexuelle, donc il était assez doux et tendre, donc, ça a été à peu près sauf que moi, comme j’avais un peu été éduquée dans la pornographie, ma seule façon de faire ça c’était comme les filles dans les films porno, lui, était très content et moi je pensais que c’était normal et du coup petit à petit, on s’est installé en vie de couple et lui a changé au fil du temps, il n’est plus resté doux et tendre, je pense que c’est certainement dû aussi à mon comportement sexuel et puis sûrement qu’il n’était pas très net aussi au fond, je n’en sais rien, en tout cas, il est devenu très agressif, il est devenu violent petit à petit et comme il est devenu violent, j’ai changé aussi et je me suis dit « qui dit violence dit relation sexuelle tu peux aller te gratter », donc, j’ai changé du tout au tout, de la fille au film porno je suis passée à rien du tout, il est ensuite devenu de plus en plus violent. Avec le recul, je me rend compte que je n’ai jamais réussi à rester fidèle à un homme, c’est impossible pour moi, je ne sais pas pourquoi, peut être parce que je me dit que je ne veux appartenir à personne et que je ne veux pas être un objet, je refuse d’appartenir à qui que ce soit. Bref, au bout d’un moment, je l’ai quitté, je me suis mise en couple avec quelqu’un d’autre mais j’ai toujours eu une sexualité un peu bizarre et c’était un peu n’importe quoi, jusqu’au moment où je me suis rendu compte que c’était vraiment un problème cette sexualité, d’aller coucher avec n’importe qui, n’importe qui c’est un bien grand mot parce que je ne prenais pas non plus des horribles hommes vieux, moches ou qui ne me plaisaient pas mais je ne connaissais pas spécialement les personnes, je me suis mise en danger plus d’une fois et au bout d’un moment, je me suis dit mais qu’est ce qui m’arrive ? Je me suis dit « ce n’est pas normal », ça, j’ai réussi à le stopper, j’ai toujours des pulsions mais j’arrive à ne pas aller au-delà de ces pulsions donc je ne vais plus avec des inconnus. Pour essayer de me connaître et de mieux me comprendre, je n’ai quasiment plus de relation sexuelle, c’est difficile quand on a des pulsions, ce n’est pas dans ma nature de ne pas avoir de sexualité mais en même temps je me dit « ce n’est pas moi au fond, c’est simplement les conséquences et si je laisse aller ces pulsions, au bout d’un moment, je vais bien croiser un cinglé et je vais finir morte dans une chambre d’hôtel », ce n’est pas moi quoi. J’ai arrêté tout ça mais ça reste encore compliqué et comme je suis en couple avec quelqu’un qui n’est vraiment pas accro à la sexualité, j’ai des périodes où j’ai été très demandeuse, lui se dit « c’est bizarre d’avoir vécu tout ce qu’elle a vécu et d’être aussi demandeuse », il y a un truc qui ne colle pas, ce n’est pas évident parfois, c’est source de conflit, ce n’est pas simple.

Marie : c’est un sujet vraiment difficile. Moi j’admire les gens qui décrivent des choses. Je me demande par rapport à mes garçons, évidemment c’est tabou chez moi aussi en fait, si ils ont comme modèle Internet, je ne sais pas ce que ça peut leur provoquer dans la tête, je ne sais pas, je me pose la question par rapport au petit justement, j’avais mal fermé mon ordinateur et puis POUF ! J’avais des images porno, je me suis dit « merde ! Qu’est ce qu’il va foutre là dedans lui ?» et en même temps, je n’ai pas envie qu’il se contente d’images comme ça par rapport à ça, je ne sais pas, j’ai du mal à me dire que ce n’est pas sale, je n’arrive pas à dépasser ça, je suis très gênée quand je vois des photos à la TV, je ne suis pas bien, des fois je me dit que ça ne devrait pas exister mais je ne sais pas comment je me suis construite, sans repère, sans rien, quelque part j’ai eu de la chance aussi, je restais quand même vulnérable, c’est bizarre parce que j’étais blindée quand je montais à Paris. Mais ça ne se voit pas parce que même quand j’ai dit à ma thérapeute que j’avais peur de rentrer de chez elle à chez moi, elle m’a dit « mais ça ne se voit pas, ce n’est pas le visage que vous donnez, on pourrait penser que c’est le contraire », je montre un visage difficile mais en fait si on m’approche, je suis vulnérable.

Sarah : Je ne vais pas contre dire ce que l’on vient d’entendre mais je vais donner ma façon de penser à moi. Après avoir traversé de multiples aventures, j’en suis arrivée avec mon partenaire actuel à vraiment prendre la relation sexuelle dans l’amour, je dis bien dans l’amour, avec la recherche de plaisir, plaisir physique, plaisir intellectuel, plaisir à tous les niveaux, à dire que l’amour c’est super beau dans la mesure où c’est fait avec envie, avec attention, autant on peut, en regardant les choses de l’extérieur, on peut trouver ça sale, autant dans l’instant où il y a consentement mais consentement vrai, pas pour faire plaisir mais parce qu’au fond de soi on en a envie, on en a besoin, c’est le besoin de l’inconnu, pour moi, l’amour c’est quelque chose de très, très beau, où tout peut être envisagé, j’ai cette approche là qui est une approche intellectuelle, par contre, il y a 2 ans encore, chaque fois que j’éprouvais du plaisir, à chaque relation puisque mon partenaire est un homme extraordinaire de ce côté-là, j’ai toujours eu une phase de larmes, le plaisir devait m’être interdit, je ne devais pas avoir de plaisir, j’ai encore la bagarre avec ça, pour l’instant, je suis tranquille puisque je n’ai plus de rapport. Autant il y a quelques années, j’avais un besoin intime de plaisir sexuel donc bien souvent je me satisfaisais moi-même, j’étais très douée en la matière, ça me permettait de bien dormir après autant maintenant, je trouve ça d’un fade, ça m’arrive encore de me dire de temps en temps « ben oui, tiens ce serait pas mal… » Et puis très vite de classer l’affaire mais je confirme qu’à deux dans l’amour tout est merveilleux, il ne faut pas se poser de question, dès l’instant où c’est fait à 2, enfin à 2, à 3, à 4 ou à 5, peu importe, ça c’est le choix de chacun, j’ai expérimenté beaucoup de choses, j’ai expérimenté la bi sexualité, j’ai expérimenté l’homosexualité, au final je suis hétérosexuelle. Il faut un temps de progression, il faut apprendre à se connaître, à se reconnaître mais j’avoue qu’il est très difficile de trouver son partenaire.

Sarah : Aujourd’hui, la sexualité n’est pas un problème, ça l’a été pendant de nombreuses années et puis ça ne l’a plus été du tout parce que ça allait très bien pendant 10 ans à peu près et maintenant, je dis que ce n’est pas un problème parce que la vie sexuelle elle n’existe plus pour moi, il n’y a pas de manque, il n’y a pas de désir mais ça a été un très, très gros problème parce que je suis passée par tout les stades : du dégoût, de l’envie. Je suis même passée par un stade où, ça a duré à peu près un an, où j’avais des envies permanentes, ça me prenait n’importe où, n’importe quand, à n’importe quel moment autant au boulot que pas au boulot, au volant de la voiture, c’était très, très gênant, mon partenaire, qui est mon partenaire aujourd’hui avait une explication, il s’est fendu d’une explication longue et détaillée pour me rassurer et m’aider à passer ce cap difficile. C’était un problème parce que je me disais que j’étais une obsédée, que je plongeais dans le délire complet. Aujourd’hui, ce n’est plus un problème, j’ai passé ce cap difficile, après j’ai très bien vécu ma sexualité parce que je l’ai acceptée telle qu’elle était et puis je me dit que peut-être un jour ça me reprendra mais pour l’instant je suis tranquille.

Iris : Tout ce qui a rapport à la sexualité est un grand problème pour moi parce que je ne peux pas l’exprimer. Maintenant, il faut savoir aussi que comme je prend des médicaments assez forts par rapport à mes crises d’angoisse, ça intervient aussi sur ma vie sexuelle, ça me coupe l’envie, c’est écrit dans les contre-indications mais je n’ai pas trop le choix mais même sans les médicaments, j’ai l’impression qu’aujourd’hui la sexualité elle est un peu derrière moi, ça a toujours été un problème, c’était un problème quand j’étais plus jeune, en vivant en couple, je n’étais jamais demandeuse, comme mon ancien mari avait un problème par rapport à ça, il me renvoyait l’image un peu d’une mauvaise femme et je crois que j’ai encore cette idée en tête aujourd’hui que quelqu’un de trop demandeuse c’est quelqu’un de mauvais, donc, il ne faut surtout pas montrer ses désirs. J’espère que l’on va régler le problème des médicaments, est ce que c’est l’âge qui fait que je n’ai plus de désir ou les médicaments qui interviennent beaucoup, pour le moment c’est le calme plat, il y a un manque oui et non, par moment mais dès que je me trouve avec mon mari finalement je n’ai plus envie parce que j’ai du mal à supporter que l’on me touche donc ce n’est pas facile à gérer.

Marie : Tout ce qui a rapport à la sexualité, je ne suis pas bien du tout avec ça, ça me fait penser qu’il y a un mot que les gens disent souvent, c’est le mot « putain » que je n’aime pas du tout, les gens disent ça à tout propos et moi ça a une résonance ce mot là que je déteste, ça va mieux maintenant, j’ai un peu dépassé ça. Je n’aime pas quand il y a des scènes comme ça dans des films, ça me gène, je ne sais pas trop où me mettre quand ça arrive. Moi, je n’envisage rien du tout, en même temps quand j’entends que c’est vrai que c’est beau l’amour, tout au début quand j’avais des relations avec mon mari je ne sais pas comment j’ai fait pour dépasser tout ça, il fallait vraiment que je l’aime, je ne vais dire pour avoir envie mais pour que ça se passe. Par contre, c’est lui aujourd’hui pour qui ça ne marche pas et l’autre fois il me dit « il faudrait que je me fasse soigner » et j’avais envie de lui dire « c’est bon, ça m’arrange comme ça », je ne lui ai pas dit « ne te fait pas soigner » mais je le pensais fortement. Moi, je n’envisage rien du tout, si, il y a une chose éventuellement que j’aimerais c’est que lui… qu’on s’y prenne autrement par rapport à moi mais je ne suis pas prête à ça, peut être qu’un jour ça se fera mais ce n’est pas un objectif prioritaire, peut-être que ça viendra avec le temps. Comme il n’y a que depuis hier que j’ai décrit des choses à ma psy, jusque là je ne serais jamais arrivée à le faire, même les écrire je n’y arrive pas, c’est étonnant aujourd’hui que je puisse dire ce mot là : sexualité, parce que jusqu’à présent je ne pouvais pas le dire, il n’y a pas très longtemps que je le dis. En même temps, je voudrais évoquer un souvenir c’est que… je ne suis pas demandeuse mais c’est étrange parce que pour mon 3ème fils, j’ai été demandeuse et j’ai eu cet enfant là et je me dit aujourd’hui, les choses sont quand même bizarres parce que c’est par lui que je suis sortie du déni quand il avait 3 ou 4 ans, je ne sais pas trop comment c’est imbriqué mais je trouve ça quand même bizarre. Je ne voulais pas forcément un 3ème enfant mais bon, il est arrivé, je l’ai pris comme il est arrivé mais quand je repense que c’est moi qui avais besoin, pour une fois de ça…

Émilie : Je dirais que ce qui a rapport à la sexualité aujourd’hui est un problème pour moi parce que je vis sous tension par rapport à ça. L’addiction sexuelle c’est quelque chose qu’on essaie de soigner avec mon psy, je trouve qu’on y arrive plutôt bien parce que ça s’est vraiment amélioré mais c’est vrai qu’il suffit d’une image à la TV, d’une sensation ou d’un truc pour que ça se réveille et du coup c’est assez compliqué parce que je n’ai pas du tout envie de retomber là dedans, je n’ai pas envie de me revoir moi comme une espèce de femme perverse ou qui va coucher avec n’importe qui, je n’ai pas du tout envie de me voir comme ça, je n’ai pas envie de retomber dans ces trucs là, donc, je résiste à mes pulsions mais je ne peux pas dire que ce n’est plus un problème parce que s’en est toujours un. L’année dernière, je sus allée dans des groupes spécialisés pour dépendants sexuels, des groupes de parole, ça m’a fait du bien parce que je me suis sentie comprise et pas jugée, j’ai vu qu’il y avait d’autres femmes comme moi, des hommes aussi et que ce n’était pas des gens pervers, c’était des gens en souffrance, ça m’a aidée à mieux comprendre mon problème et d’où il venait, ça m’a aidée aussi à stopper certains comportement qu je pouvais avoir. Comment améliorer ma vie sexuelle ? Je n’en sais rien, c’est super compliqué parce que mon compagnon c’est vraiment pas son truc, c’est un truc qui est plutôt tabou chez lui, j’ai l’impression que ça le saoule plutôt qu’autre chose, il n’a pas trop envie qu’on en parle, il n’a pas envie qu’on aille voir quelqu’un pour en parler, c’est arrivé qu’il ai des grosses pannes sexuelles et c’était hyper compliqué pour qu’il aille consulter quelqu’un, c’est vraiment moi qui ai été obligée de le pousser sans lui mettre trop non plus la pression parce que je voulais que ce soit un choix volontaire de sa part, il a finalement été consulter et bizarrement quand le médecin lui a prescrit un médicament, il n’a pas eu besoin de prendre le médicament, c’est revenu tout seul, comme quoi, ça devait vraiment être dans sa tête. C’est hyper compliqué parce que comme il ne veut pas qu’on en parle, concernant notre vie sexuelle à tout les deux, il ne veut pas qu’on en parle, c’est assez spécial. Pour améliorer tout ça, je vais continuer de travailler avec mon psy, les groupes pour les dépendants sexuels je n’y vais plus parce que j’y suis allée le temps qu’il a fallu pour stopper mes comportements mais après, il y avait vraiment trop de personnes en souffrance et… j’y suis allée le temps d’arrêter mes comportements, en tout cas avec mon psy ça m’aide beaucoup.

Marie : ça doit être quelque chose de naturel, ça doit être aussi un besoin mais je me dis un besoin, il est où le danger si ce besoin là n’est pas assouvi. En même temps, j’entends, parce que je ne sais pas si ça se passe comme ça chez les hommes et les femmes, s’ils sont frustrés mais j’ai l’impression que ça leur change leur comportement mais je n’en suis pas sûre, que ça peut les rendre heureux, c’est une question et une réflexion en même temps. Ça a beau être naturel, on a beau en avoir besoin, moi, ça ne me branche pas du tout. Puis quand je repense à des choses que j’ai vues sur Internet, que je ne savais pas que ça existait, je trouve ça dégueulasse, certaines choses, je trouve ça dégueulasse, je ne le vois pas autrement. Je me dis même si j’envisage que ça s’améliore, c’est tellement ancré chez moi que je ne sais même pas si je vais pouvoir dépasser ça.

Sarah : j’ai un souvenir de très grand bien-être après les relations lorsque ça allait bien, mais vraiment un état second et qui a duré dans le temps, même plusieurs jours après où j’étais vraiment très bien, de temps en temps j’ai la nostalgie de ce bien être là et puis, d’un autre côté je me dit que je pense que je ne pourrais pas reconnaître cet état parce que comme je l’ai connu quelque part je serais toujours insatisfaite, j’ai l’impression qu’il me manquera toujours quelque chose pour me retrouver dans un tel état de bien-être. Pour l’instant, ça me convient bien de ne pas avoir de relation mais je me pose la question quand même parce que si demain me reprenait des envies, comment je les assumerais ? Je pense que je ferais en sorte de dépasser ce que j’ai vécu dans la recherche du toujours mieux-être et je ne sais pas si il existe encore mieux que ce que j’ai pu connaître, mon partenaire m’a tellement apporté de bien-être et son amour m’est tellement acquis et moi je l’aime tellement, je ne sais pas si on peut vivre quelque chose d’encore mieux. Je me dis que pour l’instant ça va très bien et que si vraiment un jour ça nous prend et bien ça nous prend et on verra bien comment on le vit. Donc, améliorer la vie sexuelle… certes, la vie sexuelle que j’ai maintenant, je n’en ai pas donc on ne peut que l’améliorer, étant donné que j’ai quand même 56 ans, un passé qui est lourd, je pense que de ce côté-là ça va être plus « coucouche panier, papattes en rond » mais je reste sur une image très positive de l’amour, ça n’efface bien entendu pas tout le poids qui est en moi parce que ce poids là, je crois que je n’arrive pas à l’alléger mais j’ai quand même un petit contre poids qui me permet d’avancer et d’appréhender la vie un peu plus positivement.

Iris : J’ai l’impression que pour moi la vie de couple c’est un tue l’amour, en fait, à force de voir la personne tout les jours, je perd l’intérêt, comme les vêtements, quand ils sont sur les cintres ils ont l’air bien beaux mais une fois que je les ai acheté, c’est moyen quoi, ça n’arrange pas les choses quand on a déjà du mal à s’assumer. Quand j’étais jeune j’habitais dans un petit village où tout le monde connaissait tout le monde et où les réputations étaient vite faites même si tu n’avais rien fait, être une femme comme j’étais à l’époque, j’étais un peu frivole, mais c’était toujours quand j’étais avec ma sœur, quand  elle n’était pas là je ne sortais pas, ma sœur m’entraînait dans les soirées, dans les bals, dans des endroits où on pouvait rencontrer des garçons. J’entendais tout à l’heure que le mot « putain » ça résonnait dans la tête, moi aussi ça résonne, quand quelqu’un dit « putain » comme ça, j’ai l’impression qu’il lance une insulte, ça me touche parce que papa une fois quand il m’a violée il a dit « putain », il est venu m’agresser et dans tout le village c’était moi la putain, ce n’était pas lui. Donc, la femme sexuellement libérée je n’ai jamais pu l’être parce que ça me ramenait à ça, une putain, donc, c’est forcément quelque chose de sale et de négatif. Je suis restée 6 ans toute seule après que mon premier mari soit parti et je n’avais pas de vie sexuelle, je ne voyais pas d’homme, j’avais des envies mais je n’étais pas capable de sortir et d’assumer mes désirs, j’avais peur pour mes enfants surtout qui étaient encore mineurs à l’époque et aussi du qu’en dira-t-on, donc j’ai beaucoup réprimé ma vie sexuelle à cause des agressions parce qu’on m’a donné une image de moi comme si j’étais une mauvaise fille, une fille de mauvaise vie.

Émilie : Par rapport à ce qui a été dit tout à l’heure concernant les hommes qui peuvent devenir agressif quand ils n’ont pas leur « lot ». Je pense que oui, ça peut changer leur comportement, je l’ai vu en tout cas avec mon ex mari, j’ai vu vraiment son changement de comportement quand j’ai arrêté d’être disponible tout le temps, j’ai subi le viol conjugal. Je suis allée voir notre médecin de famille à l’époque pour lui parler, c’était un homme, il m’avait dit « mais vous comprenez, les hommes ont des besoins, c’est votre mari et même si vous n’avez pas envie il faut faire des efforts parce que les hommes sinon ça leur met la pression », je m’en rappelle très bien, je suis partie chez moi en pleurant et je ne suis plus jamais allée le voir mais à l’époque ça m’avait vraiment… parce que je pensais vraiment que c’était un médecin qui allait m’aider, à l’époque je n’avais pas trop l’idée de ce qu’était un viol conjugal, on en entendait pas trop parler, je ne sais pas si c’était très clair dans ma tête, ce que je sais en tout cas c’est que j’avais mal vécu ça et que j’avais besoin de voir un médecin et qu’il me balance ça… j’avais envie de lui casser la gueule, j’avais trouvé ça super dur, j’avais appelé une copine pour lui raconter, elle était hyper choquée. Donc, visiblement les hommes ont des besoins et il faudrait que nous  soyons disponibles et que l’on écarte les pattes quand ils ont envie, c’est l’avis d’un médecin homme. Je pense qu’il y a aussi certainement des femmes… enfin, moi je pense que j’ai déjà du être agressive avec mon compagnon quand il n’était pas d’accord et que moi j’avais envie, c’est sûrement pas propre aux hommes. Par rapport à l’amélioration de la vie sexuelle, je ne sais pas, je pense que pour l’instant, j’essaie déjà d’améliorer ma vie tout court, je ne suis pas sûre que ce soit la priorité d’améliorer ma vie sexuelle, ça passe aussi par l’acceptation de mon corps, je me suis aperçue que ce n’était pas forcément entièrement réglé, j’apprends à me faire plaisir à moi autrement que par le sexe, en faisant des choses pour moi, en faisant du théâtre, des sorties avec des copines, en faisant des choses qui vont me faire rire, c’est vrai que ça m’aide et c’est plus facile, j’arrive à mieux m’épanouir, je pense que ça passe aussi par là et que lorsque je m’accepterais mieux, ça, ça marchera mieux aussi, ce sera moins compliqué. Par rapport à ce que l’on disait tout à l’heure sur l’éducation sexuelle, ça me fait penser que dans ma famille c’était paradoxalement hyper tabou, mes parents ne m’ont jamais parlé de sexe alors que ma mère était tout le temps à poil à la maison  mais elle ne m’a jamais expliqué par exemple ce que c’était que les règles, comment fonctionne une fille et quand j’étais réglée, j’avais 10 ans, j’étais catastrophée parce que je ne comprenais pas ce qui se passait parce que quand j’étais violée par mon oncle, ça m’arrivait de saigner mais ce n’était pas du tout pareil et je sentais bien qu’il y a avait un truc qui se passait qui n’était pas normal et du coup c’était la panique à bord, je me souviens, j’avais du sang dans ma culotte, du coup j’avais pris la culotte et je l’ai cachée sous un tas de linges sales, j’étais morte de honte, ma mère après avait trouvé la culotte et elle l’avait brandi partout dans l’appartement, c’était vraiment la honte totale et surtout je ne comprenais rien à ce qui se passait, c’est vraiment bizarre parce qu’en même temps ils avaient des comportements complètement tordus, ils ont vraiment un grain.

Sarah : J’ai découvert le sexe toute seule, j’ai découvert la vie de jeune fille en entendant derrière une porte parce que ma sœur avait 2 ans de plus que moi et donc elle était « formée » plus tôt que moi et j’avais toujours une oreille qui traînait un peu et donc j’avais entendu ma mère qui parlait à ma sœur et je me souviens quand elle est rentrée dans la chambre je lui ai dit « fais moi voir, fais moi voir ! » comme si ça avait été un phénomène extraordinaire, je me rappelle la gêne qu’avait ma sœur ce qui fait que je suis rentrée dans cette vie là naturellement sans me poser de question. Puis, j’ai subi les affres de mon père pendant des années, pendant des années, j’ai vécu ça comme si c’était normal parce qu’on m’avait dit que c’était normal. Le jour où j’ai compris que ce n’était pas normal, j’ai vécu ça dans le pêcher, dans le silence par ce que ‘il ne fallait surtout pas en parler, dans la culpabilité, je suis donc rentrée dans la sexualité adulte avec un sentiment de culpabilité, donc, pendant des années tout ce qui était plaisir sexuel, je connaissais par la masturbation, c’était pour moi presque un somnifère, j’avais compris que si j’atteignais le plaisir comme ça… après je dormais super bien, je ne me posais pas de question, je ne rêvais pas, c’était mon antidépresseur. Puis, les années ont passées, il y a eu mon premier mari qui … le premier rapport tout y est passé, puis sont arrivées mes filles, la perte de mes filles, ça a été le gros lot comme on dit, donc, vraiment une entrée dans la vie sexuelle très difficile. Je crois que je suis soumise de nature, je me dois de faire plaisir, d’être bonne pour l’Homme, pour me protéger de cette répulsion pour le rapport sexuel, j’avais ma méthode à moi et je satisfaisais les hommes comme ça et j’étais tranquille jusqu’au jour où j’ai rencontré mon partenaire actuel qui m’a dit « mais l’amour ce n’est pas ça, l’amour c’est à deux et l’amour sans plaisir ça ne peut pas exister, tu es une femme, tu as le droit au plaisir comme toutes les femmes », donc, il m’a montré que l’amour ça pouvait être que pour moi, j’ai évolué avec cette idée là et aujourd’hui pour moi l’amour c’est vraiment quelque chose de merveilleux. Je pensais avoir connu mon premier amour comme le père de mes filles et puis j’ai perdu mes filles et j’ai rencontré un autre amour qui était vraiment un énorme amour, il y a eu un peu de rapport sexuel mais lui était à Lille, on ne se voyait pas souvent, ce n’était pas extraordinaire mais vraiment, je l’aimais énormément ce garçon et lui m’aimait aussi, quand j’ai rencontré mon ami de maintenant, ça a été vraiment l’exception, je me dit que je suis prête à partir parce que j’ai vraiment connu l’idéal, de toute façon d’enfant je n’en aurais plus puisque le moule est cassé, donc, la sexualité maintenant… j’ai connu et je n’en ai pas envie.

Iris : On parlait d’éducation sexuelle, effectivement, je n’en ai pas eu non plus, on ne m’en a jamais parlé, j’ai découvert ce que c’était que les serviettes hygiéniques parce qu’une fois parce qu’une fois pendant les repas ma mère m’en a jeté à travers la table, je me suis sentie agressée parce que je ne comprenais pas trop la question. Il me semble que ma sœur a dit une fois à papa qu’il ne fallait plus qu’il me viole parce que je pouvais tomber enceinte et c’est comme ça que j’ai découvert que quand on n’a pas ses règles on peut tomber enceinte et je n’étais pas au courant, j’ai appris un peu au hasard des choses qu’une femme est faite comme ça, on ne m’a rien expliqué et comme ma sœur a été agressée avant moi, avec la complicité de notre mère, il y avait dans la maison des tensions et des choses qui se passaient derrière nous que je ne comprenais pas, qui était bizarres et la vie n’était pas comme ailleurs, je n’osais pas poser de question à ma sœur parce qu’elle était complètement détruite par mon père, donc, je n’avais personne à qui poser des questions. Je regrette un peu parce que j’ai eu deux filles et je n’ai pas été capable de leur parler d’éducation sexuelle parce que je ne pouvais pas à l’époque, je n’étais pas capable et même aujourd’hui, parler de sexualité c’est un sujet assez difficile, il y a un coté malsain que je ne gère pas, c’est comme si la sexualité c’était quelque chose de mauvais qu’il faut cacher, qu’il ne faut pas en parler, que ça existe mais en cachette.

Marie : C’est un sujet que j’ai abordé avec ma psy seulement au mois de juin, j’ai commencé à écrire les témoignages pour le livre, je lui donnais à chaque fois mes écrits et elle m’a demandé si je parlais de ça avec mes enfants et en effet, je ne leur ai pas fait d’éducation sexuelle à la maison et je sais que c’est le plus grand qui en a souffert parce qu’il me l’a dit « quand je suis arrivé en 6ème, je ne connaissais rien, j’avais honte » et je lui ai dit « mais tes copains ils t’en mettent plein la vue mais si ça se trouve… comment ils ont appris ça, c’est peut être de la poudre aux yeux », apparemment il a souffert de ça et j’ai rencontré une personne l’autre jour qui me disait qu’elle non plus ne parlait pas à ses enfants de ça et j’ai réalisé qu’à ce moment là je lui ai dit « tu vas avec ton fils à la bibliothèque, tu lui donne un livre et tu lui dit que toi tu ne peux pas en parler mais qu’il y a des informations dans le livre et que s’il a une question il peut voir avec son papa » parce que c’est un garçon, ce n’est pas évident de parler de ça à des garçons et je me dit « pourquoi je n’ai pas fait ça avec mon enfant ? » parce qu’il a 14 ans bientôt et il faudrait que je le branche là-dessus pour ne pas qu’il fasse n’importe quoi ou qu’il fasse n’importe quoi mais je ne me sens pas bien avec ça et comme c’est encore frais que j’en parle, ce n’est pas facile. Ça me rappelle aussi que chez moi, pareil, pour les règles on ne m’a rien dit du tout et je me souviens que j’étais en pension en 6ème et ma mère me défait ma valise et dans le placard elle me met un paquet de serviettes hygiéniques, je ne savais pas ce que c’était, au mois de juin, je l’ai ramené à la maison parce que ça ne c’était pas passé et c’est en juillet, je me suis réveillée, mon drap était inondé de sang, je ne savais pas ce qui m’arrivait, c’est bizarre parce que j’avais pris ce drap et j’étais partie le laver dans la salle de bain et elle m’a dit « qu’est ce que tu fais ? » je lui ai juste dit que j’avais Sali mon drap mais je ne lui ai pas dit que j’avais du sang dessus, je ne sais pas comment j’ai fait, je voulais le cacher en fait alors que c’est naturel, comme si il ne fallait pas que je montre ça, c’est bizarre parce que quand je parle de ça, je suis mal à l’aise quand je vais dans les magasins acheter des protections justement, je ne sais pas pourquoi, ça reste honteux et puis parfois, je me dit « vivement la ménopause » parce que c’est enquiquinant, ça me rappelle aussi que j’avais toujours peur d’être enceinte quand j’étais chez ma mère. C’est pénible tous les mois d’avoir mal au ventre, je ne suis pas bien avec ça, c’est pour ça je me dit « vivement la ménopause » parce qu’après on n’en parlera plus, ça ne sera peut être pas mieux après mais…

Sarah : Pour rebondir sur ce que tu viens de dire, malgré mon âge avancé, j’ai toujours été très mal à l’aise avec ma règles parce que toujours salir, il y a toujours ce rapport « saleté », même si je savais que c’était un événement naturel, on ne pouvait rien faire contre, il y a toujours cette peur de salir, j’ai toujours encore chez moi une serviette de toilette qui est dans mon lit, sur le fauteuil, sur le canapé parce que j’ai peur de salir, des serviettes de toilette il y en a je ne sais pas combien qui tournent par semaine parce que j’ai toujours cette peur de salir. Tout en prenant les choses naturellement et en les vivant très bien, il y a quand même un côté qui se matérialise par la saleté, toujours la peur de sentir mauvais, il y a un rapport par rapport à ça qui est très négatif.

Émilie : Je n’ai plus mes règles parce que par rapport au traitement thymorégulateur que je prends, je ne peux pas prendre la pilule donc j’ai un stérilet qui arrête les règles et je dois dire que ça m’arrange parce que j’ai toujours eu un problème aussi avec le mal de ventre, saigner tout ça, ça me rappelait mes agressions, je le vivais super mal, parfois je ne pouvais même pas me lever quand j’avais mes règles et depuis que je ne les ai plus, j’ai l’impression de revivre et ça m’arrange grandement et je me dit « les règles ça ne sert à rien, ça fait chier », ça ne devrait pas parce que si elles sont là c’est qu’il y a une raison. Je me souviens j’avais une copine une fois à qui je disais que j’étais contente parce que je n’avais pas ce problème là tous les mois, elle ne connaissait pas mon passé, et elle me disait « tu te rends compte, ce n’est pas normal, si tu ne les a pas, c’est dangereux pour la santé », elle me sortait des trucs complètement cons et je lui disais que non, que c’est mon stérilet qui est comme ça, c’est secondaire et c’est très bien comme, ça, moi ça me convient tout à fait, elle était convaincue que j’allais presque mourir parce que je n’avais pas mes règles tous les mois. Je me souviens, ma grand-mère qui est une sorcière tordue, quand on était ado, elle nous faisait croire des trucs super bizarres par rapport aux règles, elle nous disait qu’il ne fallait pas qu’on se lave parce que si on touchait l’eau on allait mourir, il ne fallait pas qu’on se baigne, c’était des espèces de croyances bizarres, avec mes cousines on y croyait à fond jusqu’à 14 ans et un jour on était au bord de la mère, on avait nos règles et on évitait soigneusement de toucher l’eau avec nos orteils et un jour il y a une vague qui m’a touché les pieds et ma cousine m’a regardé comme si j’allais mourir foudroyée sur place et après, on s’est rendu compte que je n’étais pas morte et on s’est dit « la vieille elle nous raconte des grosses conneries en fait, on peut se baigner, on peut se laver ! » alors que pendant 5 jours, on était des grosses pouilleuses, on ne se lavait pas, ni les cheveux, ni rien, on était toutes contentes du coup, c’est « marrant » parce que c’est la mère de mon agresseur comme par hasard.

Sarah : Il y a une chose que je croyais et il m’arrive encore d’y croire c’est que chaque fois que j’avais mes règles je ne pouvais pas monter une mayonnaise, la mayonnaise ne montait pas, ça avait fini par se savoir et quand il y avait une mayonnaise à monter, si je ne la montais pas on me disait « ah OK, tu as tes règles toi », c’est vrai que je n’y arrivais pas quand j’avais mes règles, alors est ce que c’est le fait d’y penser ?

Marie : J’ai un souvenir, moi aussi, de ma grand-mère qui me disait qu’il ne fallait pas se laver la tête quand on a ses règles, quand j’entendais tout à l’heure que même à 14 ans, il fallait que ça se passe pour voir que tu n’es pas morte de ça, moi je sais que quand je me lave la tête ça me les arrête et je les ai eu mercredi là et vendredi je me suis lavé la tête parce que je n’en pouvais plus d’avoir la tête sale et ça les a stoppées. Je voulais ajouter quelque chose de différent, c’est les rendez-vous chez le gynéco… ma psy m’a demandé l’autre jour justement si j’y allais, j’étais obligée d’y aller l’année dernière parce que j’avais une grosseur à un sein, quand j’ai vu que j’avais cette grosseur, un jour quand je me suis lavée, j’ai mis ma main là, j’ai dit « mince, j’ai quelque chose de gros » et j’ai appuyé dessus et j’ai dit « ma petite, je veux que ça s’en aille parce que je ne veux pas aller chez le médecin » et j’ai été obligée d’y aller parce que ma sœur a un cancer du sein, c’est « marrant » parce que je me dit que moi je n’en aurais pas de cancer, je ne sais pas pourquoi je me dit ça et je suis allée chez la gynéco et je lui ai dit « bon, je ne peux pas avoir d’examen, je viens juste pour ça » donc, j’ai eu une mammographie, une échographie et elle m’a proposé de faire une ponction et je lui ai dit « mais pourquoi faire, vous avez bien vu » je sentais qu’en 2 semaines la boule avait déjà diminué, j’ai dit mais moi je vais lui dire de s’en aller à ma boule et vous allez voir elle va s’en aller et il faudrait que je retourne la voir là mais je suis sûre qu’elle est partie. J’ai du faire l’examen mais je l’ai subi dans un état, c’est difficile ce truc.

Iris : Par rapport à la puberté et les menstruations, j’étais toujours très malade, très mal au ventre jusqu’à vomir, je restais alitée une journée ou deux, je n’allais pas travailler, c’était impossible, j’étais pliée en deux. J’avais aussi mal au ventre en dehors des règles mais comme j’avais peur de tout le monde et qu’au village le médecin c’était un homme, il n’y a avait pas de femmes, je n’allais jamais le voir. Ce qui fait que quand je suis allée en voir un après que mon premier enfant soir né, c’était tellement noir que c’est au dernier moment que j’ai été opérée, pour dire comme c’est compliqué quand on doit voir des hommes, surtout dans les petits villages parce que moi les hommes il n’est pas question que j’aille les voir, je ne veux pas qu’ils me touche, j’ai bien vécu les séances de gynéco parce que j’allais voir les femmes, les femmes ça va. Je suis maintenant heureuse de vivre dans une grande ville où il y a beaucoup de femmes médecins comme ça je peux me soigner.

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