Différence entre majorité sexuelle et consentement des mineurs

Le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, a estimé, lundi 27 novembre 2017, que l’âge de 15 ans comme âge minimum de consentement à un acte sexuel semblait « juste ». (FRED TANNEAU / AFP)
 
 
 
Elise Lambert  France Télévisions

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Un enseignant de 31 ans a été condamné, lundi, à 18 mois de prison avec sursis, pour avoir entretenu pendant plusieurs mois une liaison avec une élève de 14 ans. Ce procès replace la question du consentement sexuel des mineurs au cœur des débats.

« Quand j’étais en sa présence, c’était juste ma copine, pas mon élève ni une fille de 14 ans (….). On s’aimait et on était plutôt heureux ensemble », a déclaré un professeur de mathématiques de 31 ans, condamné à 18 mois de prison avec sursis, lundi 27 novembre, au tribunal correctionnel de Fontainebleau (Seine-et-Marne), pour atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans par personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions. L’enseignant comparaissait pour avoir entretenu une liaison avec une collégienne de 14 ans. Cette dernière a présenté leur relation comme une « relation amoureuse » dans un premier temps, avant de « prendre du recul » sur la situation.

Ce procès fait écho à celui de Melun (Seine-et-Marne), début novembre. Un homme de 30 ans a été acquitté du viol d’une mineure de 11 ans, les magistrats estimant que les faits n’étaient pas suffisamment caractérisés pour constituer un viol. Ces affaires relancent le débat sur le consentement sexuel des mineurs et son inscription dans la loi. Samedi 25 novembre, lors de la présentation d’un « plan contre les violences sexistes et sexuelles« , Emmanuel Macron a plaidé pour fixer à 15 ans le seuil de consentement à un acte sexuel. Que dit la loi sur les relations entre les mineurs et les majeurs ? Faut-il instaurer un âge limite en dessous duquel toute relation sexuelle avec un mineur est forcément considérée comme un viol ? Quelles sont les limites d’une telle mesure ? Franceinfo fait le point.

Qu’est-ce que la majorité sexuelle en France ?

La définition d’une « majorité sexuelle » n’est inscrite nulle part dans le Code pénal français. La majorité sexuelle est une interprétation de l’article 227-25 du Code pénal, qui définit l’atteinte sexuelle sur les mineurs : « Le fait, par un majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de 15 ans est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. » Cette peine peut être aggravée lorsque les faits impliquent un adulte ayant autorité, comme un parent ou un enseignant. Ce délit peut être requalifié en viol, mais ce n’est pas automatique.

Cela signifie « qu’en dessous de 15 ans, même sans contrainte, même si l’enfant est consentant, avoir un acte sexuel avec un(e) mineur(e) de moins de 15 ans peut être poursuivi », explique à franceinfo Pascal Cussigh, avocat pénaliste, président de l’association de protection de l’enfance Coup de pouce. On ne parle pas ici d’un âge en dessous duquel la victime ne pourrait être consentante, mais il s’agit de l’âge à partir duquel une personne peut « légalement » avoir des rapports sexuels, précise Slate.

« Jusqu’en 2006, l’âge légal du mariage pour les filles était de 15 ans, on pouvait penser à ce moment-là que les filles devenaient majeures sexuellement, mais cela ne correspond pas à une majorité sexuelle inscrite dans la loi », renchérit Ernestine Ronai, rapporteuse d’un avis du Haut conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCE) sur la question, à franceinfo. Ce seuil n’a d’ailleurs cessé d’être relevé depuis l’introduction de ce délit, note Anne-Claude Ambroise-Rendu, auteure de Histoire de la pédophilie (Fayard), citée par Slate. De 11 ans en 1832, il est passé à 13 ans en 1863 puis à 15 ans en 1945. Ces changements montrent que le législateur a toujours eu des difficultés à fixer un seuil d’âge légal inamovible dans les relations entre les mineurs et majeurs.

En quoi se différencie-t-elle du consentement d’un(e) mineur(e) ?

Actuellement, toute relation entre un(e) majeur(e) et un(e) mineur(e) de moins de 15 ans est interdite, mais la loi considère qu’il peut y avoir consentement de la part de la personne mineure, car il n’existe pas d’âge minimum de consentement à un acte sexuel, explique le Huffington Post. Si un(e) majeur(e) a une relation sexuelle avec un(e) mineur(e) sans violence, contrainte, menace ou surprise (les caractéristiques du viol, selon l’article 222-23 du Code pénal), la personne majeure ne peut pas être forcément poursuivie pour viol. La définition du viol en France est la même, quel que soit l’âge.

Cette situation, présentée comme insuffisante par des associations de protection de l’enfance, a été illustrée par l’affaire de Pontoise. Fin septembre, un homme de 28 ans a été acquitté de poursuites de viol, malgré la plainte d’une fillette de 11 ans pour ce motif. Les magistrats ont estimé qu’elle n’avait pas agi sous la contrainte puisqu’elle avait suivi le jeune homme et n’avait pas « crié » ou ne s’était pas « débattue ». Cette absence de contrainte a conduit les magistrats à requalifier les faits en « atteinte sexuelle ».

Pour les associations de protection de l’enfance, cela marque un véritable vide juridique. « Un enfant de 11 ans ne peut pas réaliser ce qu’est une relation sexuelle avec un majeur, assure l’avocat Pascal Cussigh. Quand on a ces âges-là, 13 ans, 14 ans, on peut vouloir être tenté de jouer aux grands, de paraître plus grand que l’on est, d’avoir une aventure, mais il faut protéger ces mineures. Ce n’est pas parce qu’une petite fille n’exprime pas de regrets sur le moment que son consentement est éclairé. »

Il y a un âge où l’on manque de discernement et de maturité affective pour consentir à un acte sexuel. Je pense qu’une petite fille de 14 ans, même si elle se dit amoureuse, on doit la protéger, contre les adultes qui abusent, et contre elle-même.Pascal Cussigh, avocat pénalisteà franceinfo

Aujourd’hui, « l’absence de consentement est analysée dans la tête de l’auteur, pas dans celle de la victime. On se demande : ‘qu’a-t-il perçu chez la victime qui pouvait dire qu’elle était consentante ?' », explique Me Cécile Naze-Teulié, avocate spécialisée dans le droit de la famille, au Huffington Post.

Plusieurs associations souhaitent que la personne mineure soit automatiquement jugée comme non-consentante. « Il faut fixer un seuil d’âge où l’on considère de manière absolue qu’un(e) majeur(e) ne peut avoir de relations sexuelles avec un(e) mineur(e). On considérera automatiquement ce seuil comme une contrainte, et cette contrainte doit être considérée comme absolue », estime Ernestine Ronai. Emmanuel Macron a proposé dans son plan contre « les violences sexistes et sexuelles » que cet âge de consentement minimum à un acte sexuel soit de 15 ans.

Que changerait l’existence d’un âge légal de consentement ?

« Juridiquement, cela changerait tout. Cela signifie que même sans preuve de contrainte, de surprise ou de menace, le législateur considérerait qu’à tel âge, un(e) mineur(e) ne peut consentir, explique Pascal Cussigh. Les auteurs seraient alors poursuivis pour des qualifications de viol et d’agression sexuelle et non pas d’atteinte sexuelle. » La peine serait multipliée par quatre (le délit d’atteinte sexuelle est passible de cinq ans d’emprisonnement, contre vingt ans pour le viol), les auteurs seraient jugés aux assises et non plus dans les tribunaux correctionnels. « Et les affaires de Melun, Pontoise et Fontainebleau n’existeraient pas », assure Pascal Cussigh.

Dans de nombreux pays, ce seuil en dessous duquel le non-consentement est présumé existe déjà. Il est de 12 ans en Espagne, 13 ans en Angleterre, ou 14 ans en Italie, rapporte le HCE. L’association Coup de pouce a d’ailleurs fait parvenir une proposition au ministère de la Justice et au secrétariat à l’Egalité entre les femmes et les hommes pour qu’une présomption de l’absence du consentement « irréfragable », autrement dit qu’on ne peut récuser, soit inscrite dans la loi pour tous les mineurs en dessous d’un certain âge, « 13 ou 15 ans », évoque Pascal Cussigh.

« Toute relation entre un(e) majeur(e) et un(e) mineur(e) de moins de cet âge établi sera condamnable. On veut poser un interdit sexuel, la personne majeure devra attendre que le(a) mineur(e) ait plus de l’âge minimum pour avoir une relation sexuelle avec elle. » Le HCE table sur l’âge de 13 ans. « L’âge de la maturité affective, avec un écart suffisant par rapport aux majeurs, atteste Ernestine Ronai. Mais ce que l’on souhaite, c’est que l’adulte sache dire ‘non’ et qu’il y ait un interdit fort de la société. Il faut arrêter de questionner les victimes, mais qu’on regarde les adultes comme ceux qui ont initié la contrainte. » 

 L’écart d’âge doit devenir une contrainte et cette contrainte doit être considérée comme absolue.Ernestine Ronaià franceinfo

Comment évaluer alors les relations sexuelles entre un(e) mineur(e) de 14 ans et  un(e) majeur(e) de 18 ans, quand l’écart d’âge n’est pas très grand ? « Pour des affaires qui concerneraient un enfant de 14 ans et un de 18 ans par exemple, je pense que l’on peut rester au système actuel, détaille Pascal Cussigh. C’est-à-dire que la personne majeure devra prouver le consentement de la personne mineure. Dans tous les cas, ce système sera beaucoup plus protecteur pour les enfants que l’actuel. » Ernestine Ronai ajoute : « Si l’écart d’âge est très réduit, les magistrats auront toujours la possibilité de juger au cas par cas. N’oublions pas que cela se posera si une plainte est déposée. »

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