Sonia « Victime je fus, survivante je suis »

Aujourd’hui je suis debout et j’avance droit devant, 61 ans, survivante d’inceste subit de 9 ans à 17-18 ans par un «pseudo -père» et de pédo-criminalité de 12 à 16 ans de la part de 2 hommes âgés du village.
Toutes les étapes de ma vie ont été marquées par ce traumatisme.
Point de déni mais se taire fut moins douloureux.
Au début, le silence était imposé car ce serait «un fait normal entre un papa et sa fille», ensuite bien qu’ayant compris ce qu’il se passait, parler ne m’aurait pas guérie et aurait fait certes plus de mal autour , le silence s’est alors imposé comme seule attitude possible.

Au fil des années, la honte et la culpabilité, sont devenues mes amies m’ordonnant de n’en point dire.

Combien de fois et par quels stratagèmes ai-je tenté de me décharger de ce fardeau, mais jamais d’oreille bienveillante ou tout au moins réceptive.
Je me suis jetée à corps perdu dans tout et n’importe quoi sans jamais croire vraiment en rien.
Ainsi, les échecs sentimentaux se sont accumulés puisque en attente de tout et et toujours insatisfaite (3 enfants perdus, 3 mariages et autant de divorces).
L’impossibilité de concevoir quelque chose de bon et donc « pas de maternité » s’ est imposé à moi.
Comme toute victime de traumatisme insupportable, mon cerveau s’est dissocié de mon corps pour ne pas exploser ,aussi   depuis plus de 50 ans je vis comme en dehors de mon corps,
Je me sais  être de valeur, si et seulement si je n’ai en retour l’effet miroir. Au fond de moi, mon image corporelle est restée celle de l’enfant que j’ai été et donc à mille lieues de celle renvoyée par la glace. Le problème majeur est que l’autre voit directement la réalité de l’oeil et ne peut avoir la moindre idée de l’être profond , qui lui , est fondu dans l’isolement.
La souffrance, si dure soit elle, m’a conduite à réfléchir et à regarder autour et depuis plus de 5 ans , en m’impliquant dans l’association, j’ai donné un autre sens à ma vie.
Aider les victimes , informer le grand public , participer à la formation des personnels est devenu pour moi un lev-motiv.

A travers les groupes de paroles, observer le mieux être des victimes au cours de leur participation me rassure sur ce que j’ai entrepris. L’isolement se fracture et le mieux être se lit sur les visages.
L’aide à la détection des enfants, éventuelles victimes ne peut se faire qu’en parlant aux professionnels , en expliquant les divers mécanismes du cerveau et redonner la paroles aux victimes pour qu’elles retrouvent confiance en elles, mais aussi qu’elles sachent ouvrir leurs yeux pour protéger leurs enfants.
Le temps de la construction est long et difficile mais peut sauver une personne à la dérive à condition de l’aider ,à regarder et à croire en elle ,ce qui vient malheureusement aussi tard que la prise de conscience et la reconnaissance d’état de victime,

Ce dernier, accepté , reconnu ne doit pas pour autant faire de nous des handicapés et nous faire nous stigmatiser comme des personnes spéciales. Nous avons en nous tant de force et d’envies de grandir et sortir enfin de ce gouffre dans lequel nous avons plongé bien malgré nous.

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