La revictimisation

Messman-Moore et al. (2002) ont montré que des antécédents d’abus sexuels de l’enfance ainsi que et la consommation de substance prédisaient tous deux une revictimisation à l’âge adulte. Ménard (2002) a effectué une revue de plusieurs études portant sur les conséquences de la victimisation et ses résultats vont dans le même sens. Il s’avère que les sujets autrefois victimes ont tendance à redevenir victimes. La victimisation violente au cours de l’adolescence constitue en effet un facteur de risque pour une revictimisation par des tiers, des victimisations domestiques, la perpétration de violences, de victimisationsd’actes criminels et l’usage de drogue. …/… Joanna SmithJoanna Gourlan


 La victime ayant toujours été traitée en objet, ne sait pas ou ne voit pas ce qui lui arrive. Elle souffre, comme toujours. Il lui faudra prendre conscience du phénomène, et se faire aider par un professionnel, une association ou autre, pour reprendre son avenir en main et ne pas répéter le même scénario à l’infini. (CRIFIP /La revictimisation )

La reconnaissance d’une maltraitance ancienne chez l’adulte ou la personne âgée renvoie à deux contextes distincts. Le premier concerne les conséquences à long terme, se révélant à l’âge adulte, des abus survenus au cours de l’enfance et de l’adolescence. Le second concerne des maltraitances survenant chez des adultes et évoluant de manière chronique. Il s’agit dans ce cas le plus souvent de maltraitances chez des personnes âgées, de violences conjugales ou bien de maltraitances dont sont victimes des adultes handicapés.Qu’il s’agisse de conséquences d’une maltraitance de l’enfance ou de maltraitances qui se sont mises en place au cours de l’âge adulte, ces différentes formes de maltraitance ont en commun d’être difficiles à identifier par les cliniciens. Leur reconnaissance se heurte souvent au silence et à l’ambivalence des victimes et s’effectue principalement au travers de signes indirects.

Les conséquences psychopathologiques à l’âge adulte des maltraitances de l’enfance et de l’adolescence sont bien documentées. Potentiellement graves, elles peuvent être de nature spécifique (comme l’état de stress post-traumatique) ou non spécifique, s’exprimant alors au travers d’une vaste gamme de troubles psychopathologiques.

Deux autres conséquences à long terme des abus de l’enfance doivent être décrites. Il s’agit d’une part de la tendance qu’ont les victimes à être revictimisées à l’âge adulte et d’autre part, au fait que les anciennes victimes sont susceptibles d’adopter à leur tour des comportements violents.Messman-Moore et al. (2002) ont montré que des antécédents d’abus sexuels de l’enfance ainsi que et la consommation de substance prédisaient tous deux une revictimisation à l’âge adulte. Ménard (2002) a effectué une revue de plusieurs études portant sur les conséquences de la victimisation et ses résultats vont dans le même sens. Il s’avère que les sujets autrefois victimes ont tendance à redevenir victimes. La victimisation violente au cours de l’adolescence constitue en effet un facteur de risque pour une revictimisation par des tiers, des victimisations domestiques, la perpétration de violences, de victimisationsd’actes criminels et l’usage de drogue.

Ces données ont été interprétées sur le plan psychopathologique. Les difficultés relationnelles conséquences des abus sexuels de l’enfance conduisent les victimes, par des mécanismes de répétition, à une tendance à être revictimisées par d’autres. De plus, par des mécanismes d’identification à l’abuseur, quand les anciennes victimes deviennent adultes, elles traitent parfois les autres comme elles ont été traitées, en particulier leurs propres enfants. Ces mécanismes identificatoires perpétuent un cycle de violence sur plusieurs générations.

Chez un survivant de l’inceste, la tendance à être à nouveau victime est un fait reconnu selon certaines études internationales.  Cette revictimisation peut également se produire sur ses enfants qu’il ne sait pas toujours protéger du prédateur qui bien souvent est très proche de lui. Malgré l’hyper vigilance de certaines victimes vis-à-vis du monde extérieur, elles se retrouvent inconsciemment intimes avec une personne ayant le profil de leur agresseur. Manipulateur, pervers narcissique, violent, sadique, dépendant aux drogues ou à l’alcool, la victime reproduit avec son conjoint, “le couple” infernal de l’inceste. La victime ayant toujours été traitée en objet, ne sait pas ou ne voit pas ce qui lui arrive. Elle souffre, comme toujours. Il lui faudra prendre conscience du phénomène, et se faire aider par un professionnel, une association ou autre, pour reprendre son avenir en main et ne pas répéter le même scénario à l’infini. Si ses enfants sont touchés, l’électrochoc pour sortir de cette spirale infernale pourra se produire plus vite.

Par exemple, selon Russell :

  • 19 % des femmes victimes d’inceste ont dit avoir été agressées sexuellement par leur mari, comparativement à 7 % des femmes non abusées pendant l’enfance;
  • 27 % ont rapporté avoir été battues par leur mari, comparativement à 12 % chez les autres répondantes.

Une étude effectuée au Québec a démontré que “pratiquement une femme violentée sur trois a connu une situation d’inceste dans son enfance ou son adolescence.” Or, Ginette Larouche estime que le fait de se retrouver dans une situation de victime “augmente les douleurs affectives et renforce la détresse psychologique.” La violence conjugale vécue par une femme qui a un passé d’inceste, nous dit-elle, s’inscrit dans une démarche qui devient un mode de vie chaotique de souffrance et de survie où la détresse psychologique s’enracine, où la faible estime de soi s’amplifie, où la capacité d’évaluation du danger diminue et même disparaît, et où l’aliénation s’installe.

Source : Diana E.H. Russell, The Secret Trauma: Incest in the Lives of Girls and Women, New York : Basic Books, Inc., 1986.

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